Missions du Centre National de Référence (CNR)
- Expertise diagnostique des cas humains de tularémie (sérologie, culture, PCR)
- Identification et typage des souches de Francisella
- Veille épidémiologique de la tularémie en France
- Alerte lors de cas groupés ou inhabituels
- Conseils diagnostiques ou thérapeutiques
- Développement d’une recherche fondamentale et appliquée
L’envoi de prélèvements cliniques ou de souches bactériennes au CNR pour expertise / confirmation de cas de tularémie doit être réalisé selon une procédure conforme à la règlementation en vigueur, précisée dans les documents associés (Cf. fiches envoi de souches et prélèvements, autorisation Afssaps de cession de souche, renseignements cliniques).
Francisella tularensis
Francisella tularensis est responsable de la tularémie, zoonose limitée à l’hémisphère Nord. Cette bactérie à Gram négatif, hautement infectieuse chez l’homme, fait partie de la liste des MOT (microorganismes et toxines) définie par l’arrêté du 30 juin 2010. C’est un pathogène de classe 3 (culture en laboratoire P3) et un agent potentiel de bioterrorisme (classe A des CDC, US).
Deux sous-espèces sont responsables des infections humaines : F. tularensis susbp. holarctica (type B) existe dans tout l’hémisphère Nord ; F. tularensis subsp. tularensis (type A), plus virulente, a une répartition géographique quasi limitée à l’Amérique du Nord (rares souches isolées récemment d’arthropodes en Slovaquie et en Autriche). Le réservoir naturel de F. tularensis comprend de nombreux animaux sauvages (lagomorphes et petits rongeurs en particulier), mais aussi des arthropodes (tiques) et vraisemblablement l’environnement (eaux, sols humides). Les animaux domestiques et familiers peuvent être occasionnellement infectés. L’homme s’infecte au contact du réservoir animal (inoculation cutanée, ingestion, aérosols), par l’intermédiaire d‘arthropodes vecteurs (morsures/piqûres de tiques, plus rarement de moustiques ou taons dans certaines régions) ou à partir de l’environnement (eau, sols humides) où la bactérie peut survivre plusieurs mois.
La tularémie
La tularémie demeure une maladie relativement fréquente aux USA, dans les pays scandinaves (Suède), en Russie et au Japon. Elle est rare dans le reste de l’hémisphère nord, mais son incidence semble en augmentation. Plusieurs épidémies ont été décrites au cours des deux dernières décennies, en Amérique du Nord (Etats-Unis), en Asie (Turquie, Chine, Japon) et en Europe (Suède, Kosovo, Bulgarie, Allemagne, Espagne, France). La tularémie demeure une maladie rare en France (environ 50 cas déclarés annuellement), et prédomine dans l’Est (Alsace), le grand Ouest et la région Rhône Alpes. La zone d’endémie est cependant très étendue et n’épargnerait que les zones côtières en bordure de la Manche et de la Méditerranée.
L’incubation de la maladie est habituellement courte (3 à 5 jours). On distingue classiquement 6 formes cliniques déterminées en grande partie par la porte d’entrée des bactéries : les formes ulcéro-ganglionnaire et ganglionnaire (adénopathie locorégionale dans le territoire de drainage lymphatique d’un site d’inoculation cutané, avec ou sans escarre cutané d’inoculation ), la forme oculo-ganglionnaire (conjonctivite avec adénopathie locorégionale après inoculation conjonctivale ; syndrome oculo-ganglionnaire de Parinaud), la forme oro-pharyngée (pharyngite avec adénopathie cervicale, parfois signes digestifs, après contamination orale), la forme pulmonaire (pleuro-pneumonie après contamination par inhalation ou hématogène) et la forme typhoïdique (forme systémique avec fièvre et « tuphos », quelle que soit la porte d’entrée).
Le diagnostic
Le diagnostic de tularémie est le plus souvent confirmé par la sérologie, les anticorps apparaissant 10 à 15 jours après le début des signes cliniques. Les techniques et antigènes utilisés sont cependant peu standardisés. Des techniques de type ELISA sont disponibles mais pour l’instant peu utilisées et donc mal évaluées. Nous utilisons au CNR un antigène de production locale (souche de F. tularensis subsp. holarctica), et les techniques de microagglutination (MAT) et d’immunofluorescence indirecte (IF-IgM et IF-IgG). Nous considérons comme significatif un titre > 1:160 avec des sensibilités de ~50% pour la MAT et l’IF-IgM et ~75% pour l’IF-IgG, pour une spécificité > 99%. A noter que pour un seuil à 1:80, nous avons évalué la sensibilité de nos tests à ~70% pour la MAT et l’IF-IgM et ~90% pour l’IF-IgG, pour une spécificité > 98%. Les réactions sérologiques croisées sont rares (classiquement Brucella melitensis, Yersinia enterocolitica O:9, Proteus vulgaris OX19, etc.). Il est important malgré tout de prélever deux sérums à au moins deux semaines d’intervalle pour mettre en évidence une séroconversion ou une multiplication par 4 au moins des titres sérologiques. Les tests sérologiques sont habituellement négatifs chez les patients consultant précocement du fait de douleurs intenses (conjonctivite, pharyngite) ou de symptômes sévères d’évolution rapide. L’isolement en culture de F. tularensis est rare, le plus souvent fortuit. Il est le plus souvent obtenu à partir d’hémocultures chez des patients présentant une forme pulmonaire ou typhoïdique. Les techniques moléculaires sont particulièrement utiles pour confirmer le diagnostic en phase aigue de la maladie, avant l’apparition des anticorps spécifiques (ex. conjonctivite, pharyngite), ou lors des formes cliniquement peu spécifiques et/ou chroniques. Ainsi, au cours des adénopathies chroniques, la PCR sur tissu ganglionnaire présente une sensibilité de 80-90% versus 5-10% pour la culture. Ces techniques permettent également de définir rapidement la sous-espèce en cause soit à partir d’une souche isolée soit directement à partir de prélèvements cliniques. L’isolement d’une souche de type A en France évoquerait un cas importé de tularémie voire une utilisation malveillante de la bactérie.
Le traitement
L’antibiogramme des souches isolées n’est pas nécessaire en routine car la manipulation des cultures de F. tularensis expose le personnel technique à un risque important d’infection de laboratoire et il n’existe pas à ce jour de résistance acquise aux antibiotiques utilisés en première ligne au cours de la tularémie. Le CNR réalise une surveillance annuelle de cette résistance de façon à vérifier l’absence d’apparition de résistances acquises. Le traitement des formes habituelles de tularémie, de gravité faible à modérée, repose sur l’administration d’une fluoroquinolone ou d’une tétracycline pendant 2 à3 semaines. La streptomycine n’étant plus disponible, la gentamicine est préconisée seule ou en association lors des formes graves. Le traitement des formes chroniques (ex. adénopathies chroniques) ou survenant sur terrain particulier (enfant, femme enceinte) est mal codifié. La chirurgie d’exérèse ganglionnaire demeure fréquemment nécessaire pour obtenir la guérison en cas de suppuration ganglionnaire avec ou sans fistulisation cutanée.
Contact
- CNR des Francisella : Laboratoire de Bactériologie, Institut de Biologie et Pathologie, CHU de Grenoble - CS 10217 - 38043 Grenoble cedex 9
- Tél. 04 76 76 54 79
- Fax 04 76 76 52 28
- Renseignements cliniques : Dr Isabelle Pelloux - Pr Max Maurin
Documents associés
- Fiche de déclaration obligatoire d'un cas de tularémie (CERFA)
- Fiche de renseignements cliniques accompagnant tout envoi au CNR
- Procédure d’envoi de prélèvements / souches au CNR
- Fiche Afssaps de demande de cession de souche pour envoi d’une souche au CNR
- Arrêté du 30 juin 2010 : liste des microorganismes et toxines (MOT) hautement pathogènes